L'économie de Singapour est en plein essor et certains indicateurs suggèrent qu'elle pourrait même être en surchauffe. Après avoir levé la plupart des restrictions liées à la pandémie, le premier semestre de l'année a été solide, la réouverture ayant stimulé la reprise intérieure et entraîné un rebond des dépenses des ménages. Cette vigueur a fait grimper l'inflation à son plus haut niveau depuis 10 ans, soit 5,6 % en mai, le taux de chômage à 2,2 % au premier trimestre et les prix de l'immobilier à 10 % en glissement annuel.
Cette semaine, nous faisons le point sur les perspectives économiques de Singapour, en nous concentrant sur le PIB et l'inflation, avant d'examiner les conséquences sur la politique monétaire.
En 2021, Singapour a connu une reprise vigoureuse, avec une croissance du PIB de 7,6 %, le taux le plus rapide depuis plus d'une décennie, après la profonde récession déclenchée par la pandémie en 2020. L'un des principaux moteurs de cette reprise a été le secteur manufacturier de Singapour, qui a bénéficié de l'augmentation de la demande de produits électroniques et d'autres biens. En effet, la reprise à Singapour a été si forte qu'elle a permis au PIB de dépasser le taux de croissance tendanciel de 3,2 % au cours de la dernière décennie (graphique 1).
Graphique 1 : Croissance du PIB de Singapour
(Niveau du PIB par rapport à la tendance, milliards de SGD, 2011-2022)
Sources: Haver, analyse QNB
Cependant, nous ne pouvons pas simplement interpréter cette forte croissance à l'avenir. Les moteurs de la croissance continueront à s’orienter vers les services plutôt que vers l'industrie manufacturière à mesure que l'économie se rouvre. En effet, le PMI manufacturier, à 50,4 en mai 2022, n'indique qu'une croissance modeste, alors que la mobilité s'est rétablie à environ 10 % en dessous du niveau pré-pandémique au début du mois de juin. D'autre part, l’existence de vents contraires au niveau mondial conjuguée au prix du pétrole qui devrait rester bien au-dessus de 100 dollars le baril pour le reste de l'année, et combinée à d'autres pressions sur les prix, pèsera sur les perspectives de la demande intérieure.
Comme indiqué précédemment, l'inflation globale des prix à la consommation a encore augmenté pour atteindre 5,6 % en glissement annuel en mai. Il est important de noter que l'inflation de base des prix à la consommation, une mesure généralement plus stable, qui exclut les prix plus volatils de l'alimentation, du transport et du logement, est passée à 3,6 % durant la même période (graphique 2). En effet, l'inflation de base est maintenant près du double de l'objectif de deux pour cent de l'Autorité monétaire de Singapour (MAS). Parallèlement, les tensions sur le marché du travail se répercutent sur les salaires, qui ont augmenté de 7,8 % en glissement annuel au premier trimestre..
Ces indicateurs laissent entrevoir une possible surchauffe de l'économie à moyen terme. Il est donc important de comprendre la gouvernance et les orientations du MAS dans la régulation de la politique monétaire afin d'atténuer ce risque.
Graphique 2 : L'inflation à Singapour
(Variation en %, en glissement annuel)
Sources: Haver, analyse QNB
Le MAS définit sa politique monétaire en intervenant sur les marchés des devises afin de maintenir le taux de change effectif nominal du dollar de Singapour (NEER) dans une marge de manœuvre déterminée. Les décisions de politique monétaire du MAS définissent la pente, la largeur et le centre de la bande de fluctuation, qui sont gradués pour une compatibilité avec la stabilité des prix à moyen terme, actuellement "juste en dessous de 2%".
Pour l'avenir, nous pensons que le MAS rehaussera la pente de 0,5 point de pourcentage supplémentaire pour la porter à 2 %, ce mouvement étant possible avant même la prochaine réunion de politique générale en octobre (graphique 3). Cette mesure indiquera au public que le MAS est prêt à poursuivre sa politique de resserrement, en adoptant plus rapidement une position plus restrictive si nécessaire. Une telle mesure est importante pour stabiliser les anticipations d'inflation et empêcher les prix de s'emballer.
En conclusion, l'économie de Singapour a bénéficié de l'augmentation de la demande extérieure de produits manufacturés avant que la demande intérieure ne rebondisse fortement avec la réouverture de l'économie. Cela a entraîné une hausse de l'emploi, des salaires, de l'inflation d'origine intérieure et des prix de l'immobilier. Le MAS a réagi en resserrant sa politique deux fois déjà cette année, et un autre cycle de resserrement est attendu en octobre ou avant. Les vents contraires mondiaux et le resserrement de la politique devraient entraîner un ralentissement de la croissance du PIB de Singapour à environ 3 % en 2022, avant un nouveau ralentissement à 2 % en 2023. Cela ramènerait la croissance du PIB en dessous de son niveau tendanciel et éviterait donc une surchauffe à moyen terme.
Graphique 3 : Le NEER de Singapour
(Index, Janvier 1999 = 100)
Sources: Haver, analyse QNB
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